Une idée qui me préoccupait beaucoup, c'était la question sur la continuité du monde. C'était je pense autour de mes neuf ans que cette question commença à me travailler. Quand s'est-elle formulée dans mon esprit pour la première fois? Je ne m'en souviens pas. Elle semblait avoir été tout simplement là dans mon esprit depuis toujours. Cette question était: « Le monde continue-t-il d'exister quand je ferme mes yeux ? » J'étais si persuadée que j'étais une participante active au devenir de la Terre. Si j'arrêtais de la regarder, comment pouvait-elle continuer à exister ? Sans moi la Terre allait sûrement se désintégrer et mourir. Je passais de longs moments à des expérimentations, mais en trichant. Je fermais mes yeux un moment pour laisser les choses se faire tranquillement, après quoi je plissais mes yeux pour voir à travers les petites fentes. J'étais perplexe de constater que le monde autour de moi était toujours présent. Enfant je n'ai jamais résolu ce mystère. La question me poursuivra toute ma vie.
Un jour, je pense que j'avais neufs ans, je me suis promenée dans une rue de notre quartier. Je ne pensais rien de précis et me sentais plutôt bien.
Subitement, j’eus l'impression que j'étais en train de mourir, que j'allais mourir là, tout de suite. Je n’eus pas le temps de réfléchir à ce qui m'arrivait car immédiatement après, j’eus la nette impression que je venais de renaître. Et à ce moment-là, je compris que j'étais en train de mourir et de renaître sans arrêt dans un cycle éternel. J'avais vaguement le sentiment que ce cycle était inscrit dans mon corps. J'ai réalisé que ce phénomène se déroulait continuellement et si rapidement que personne hormis moi ne pouvait s'en apercevoir. Au même instant j'étais submergée par une grande tristesse. Je voulais expliquer à mes parents que j'étais entrain de mourir. Ils avaient le droit de savoir quand même. Il fallait qu'ils sachent que le processus s'était déjà déclenché en moi. Mais je savais aussi qu'ils n'allaient pas comprendre que tout cela n'était pas grave puisque je renaissais après chaque mort. Et que cela se passera jusqu'à mon ultime mort. Non, je ne pouvais pas le leur dire, alors je me suis tue. Au moment où je suis devenue consciente de ces forces de la mort, la vie de la pensée s'est réveillée de plus en plus fort en moi.
A 37 ans, j'ai eu un rêve très lucide : Pendant ce qui semblait toute une nuit je parlai avec un être très sage. J'étais une sphère et cet être était aussi une sphère. Nos deux sphères s'interprétaient et nous communiquions sans mots mais avec une précision impossible avec des mots. La discussion était très sérieuse. Je ne me souviens pas des détails mais il s'agissait du cours du monde, de l'avenir de la Terre et ce qu'il fallait surtout faire pour aider la prochaine génération à avancer dans la lumière. Je me suis rendue compte que je parlais avec un être d'une grande sagesse mais qui me traitait comme son égal. Mais je voulais à tout prix être consciente et réveillée pour savoir avec qui je parlais. Alors je me suis réveillée et assisse dans mon lit j'ai demandé intérieurement avec qui j'avais à faire. La réponse arriva avec un peu d'humour: « Si tu ne sais pas, cela n'est pas à nous de te le dire mais on peut te donner une énigme et un jour, tu sauras ». Et on m'a donné une énigme. Mais cela n'était pas si important. Ce qui vint après le fut bien plus. Les voix me disaient que le temps était venu pour que je rentre avec courage dans la seconde moitié de ma vie.
A 49 ans je me ressourçais près d'une abbaye cistercienne où les sœurs chantaient plusieurs fois par jours des chants grégoriens, mais je pleurais beaucoup, je mangeais peu car j'étais épuisé.... Puis un matin je me décidai. Je me dis « ici se trouve l’opportunité de t’ouvrir à la nature. Fais-le en paix. Tu n'auras pas souvent ce silence, ce temps disponible ».
Alors je décidai de me balader dans les champs et de m'arrêter quand une plante m'attira. De là, je la contemplai pendant des heures jusqu'à ce que je fut capable d'en faire une image parfaite dans tous les détails dans mon esprit avec les yeux fermés. Puis dès que l'image apparut, je fis le vide et j’attendis dans le noir complet. À la place de l'image « photographique » je reçus dans ma vision intérieure une forme géométrique, vibrant, de couleurs et de lumière, mais très éphémère. Dès que ce fut parti je la dessinai vite au mieux, car c'était presque impossible de la retenir dans ma conscience. La première fois, je me méfiai de l’expérience en pensant que c'était de l'illusion. Je refis le même exercice tous les jours avec une plante par jour. Une quinzaine en tout. Certaines plantes je les reconnus, d'autres non. Chaque fois je reçus une forme éthérique, vivante et qui semblait correspondre à chaque plante. À la fin du séjour, je n’eus que le temps de renouveler l’expérience des deux premières plantes : j'oubliai les formes reçues pour voir si j'avais quelque chose de semblable. Chaque fois je reçus des images identiques.
Ces formes "reçues" sont toujours en cours de travail artistique. On peut voir un premier jet dans la série : "Corps Élémentaires de Quelques Plantes."